Reconnaître la jeune femme qui s'avançait du fond de la cour ne fut pas des plus faciles. Heureusement pour moi, je m'aperçus bien vite que je n'étais pas le seul dans ce cas-là. Après tout, je n'avais vu l'Impératrice qu'à deux occasions – mon arrivée en tant que condamné à mort et lors du Conseil – et je ne m'y étais pas trouvé autorisé à la dévisager dans le moindre détail. Mais à bien y réfléchir, cette femme était-elle vraiment l'Impératrice ? On aurait pu en douter tant la différence était flagrante, ou plutôt troublante. Elle semblait si loin de tout ce qui avait pu faire d'elle une Impératrice, enfin il lui restait néanmoins cette prestance et ce charisme qui n'auréolent que les personnes importantes. Je crois, d'ailleurs, que c'est même uniquement à cela que je pus la reconnaître. En tout les cas, son air malicieux devait sans doute provenir de l'amusement qu'avaient du lui procurer tous ces regards intrigués dans sa direction. Encore une fois, l'Impératrice se montrait pleine de surprises et quelque chose me disait que nous étions encore loin du compte. Je ne fus pas plus surpris de la voir suivie par six chevaux et ce qui s'apparentait le plus à un poney, à moins qu'il ne s'agisse d'un poulain – je devais bien admettre que, si concernant les métaux et la forge j'étais incollable, il me restait beaucoup à apprendre dans beaucoup de domaines, notamment l'élevage des chevaux. D'ailleurs, après m'être remis de la surprise concernant l'Impératrice elle-même, je me demandais pourquoi tant de chevaux. Il ne me fallu pas très longtemps pour faire le lien entre le nombre de personnes à pieds et le nombre de chevaux.
L'Impératrice confirma mon idée lorsqu'elle s'approcha de Voronwë et moi-même pour nous confier deux magnifiques chevaux. J'héritais de Turindo. Je ne pus m'empêcher de sourire à l'évocation de ce nom. Bien sûr ma duplicité de « personnalité » n'était plus un secret, mais je devais reconnaître faisait des choix très judicieux, qui plus est, se doutait-elle du second sens caché que pouvait avoir le nom de cet étalon ? J'osais toutefois espérer que cela resterait un secret pour la plupart des personnes ici présente, notamment Jonathan, puisque je ne savais pas trop comment il réagirait. C'était entre autre, l'une des dernières personnes avec qui, à présent, je n'avais pas envie de me brouiller. L'espace d'un instant, j'allais refuser le « cadeau » de l'Impératrice, prétextant ne pas vouloir abuser et préférer marcher ou courir, mais je compris bien vite qu'il nous faudrait suivre un rythme très soutenu. Je gardais donc pour moi cette idiotie et me fendit d'une révérence révérencieuse (HRP : J'aime les pléonasmes) avant de la remercier de quelques mots.
Je m'approchais alors du cheval, et, d'un geste tendre et affectueux, je passais ma main sur son museau, puis flattait son encolure. Je n'étais pas son premier maître, et j'espérais ne pas être le dernier, mais il semblait habitué à ma présence. Il me rendit mon affection d'un « coup » de tête. Je n'avais pas l'habitude des chevaux, mais – et j'allais dire comme tout elfe – je respectais beaucoup la nature et les animaux, aussi il était normal de leur vouer une attention toute particulière. Je ne me doutais pas qu'il ferait un bien meilleur destrier que je ne ferai un bon cavalier. Je pris appui sur le premier étrier avant d'enfourcher Turindo, puis, me penchant sur son encolure, je lui murmurais, en elfique :
« - Tu es mon premier cheval, j'espère que tu me pardonneras mes erreurs. »
Il sembla hennir d'approbation, et alors que je me relevai, l'Impératrice avait fini la réparation des chevaux, même le maître Nain avait reçu une monture adéquate. Dora vint se placer sur mon épaule et on vint aider Jonathan à monter en selle avec moi. La petite troupe se mit en route et je pris sur moi de fermer la marche, surtout pour ne pas être trop devant, et, officieusement, pour pouvoir surveiller tout ce petit monde. N'oublions pas que quelque chose se tramait... La traversée de la ville fut assez difficile, heureusement, c'était en majorité l'Impératrice que le peuple adulait, ainsi mes compagnons et moi étions relativement tranquilles. Nous sortîmes finalement de la ville, prêt à suivre le chemin qui était désormais le notre.